La crise du coronavirus est intervenue à peine plus d’un an après que vous ayez ouvert la Maison Aribert à Saint-Martin-d’Uriage. Ce coup rude a-t-il remis en cause votre projet ?
Effectivement, cette crise a été un coup dur pour nous, comme pour toute l’économie locale. Elle n’a cependant pas remis en cause notre philosophie, bien au contraire. Cette philosophie, que je porte au quotidien, c’est l’importance de pouvoir bénéficier, en circuits courts, des produits de première nécessité de qualité. Je suis issu de la terre, j’ai grandi dans la forêt et dans les champs. Je suis donc très attaché à mon territoire. Il a des produits magnifiques qui rendent ma cuisine encore meilleure.
C’est pourquoi je ne travaille qu’avec des producteurs locaux : maraîchers, viticulteurs, pisciculteurs, éleveurs… mais aussi, par exemple, avec notre voisin menuisier quand nous avons rénové le bâtiment qu’est à présent la Maison Aribert. Nos salariés, sont eux aussi, pour la plupart, des « locaux ».
Vous avez vous-même plusieurs jardins dans votre établissement. S’agit-il pour vous de promouvoir une vie en autarcie ?
Il s’agit d’autonomie plutôt que d’autarcie. J’ai plusieurs jardins, d’abord pour la fraicheur que cela permet : rien de mieux, dans l’assiette, qu’une feuille de basilic tout juste cueillie. Mais aussi pour l’extraordinaire source d’inspiration et de créativité qu’ils nous apportent. Cela nous permet aussi d’expérimenter la permaculture en laquelle nous croyons fortement.
Je pense qu’il est important d’avoir des lieux pilotes. Je suis ainsi partie prenante d’un projet de ferme qui rassemblerait éleveur, maraîcher, et apiculteur. Nous cherchons actuellement le lieu, qui sera quelque part dans le Trièves, le Vercors, Belledonne ou l’Oisans. C’est un projet participatif, orienté vers la transition agricole et l’agro-foresterie, et ayant vocation à démontrer et expliquer que l’on peut faire différemment… y compris permettre qu’un agriculteur ne soit pas obligé de travailler comme un forçat. Ce métier n’est pas assez valorisé, alors qu’il est aussi important que celui de chirurgien. Il faut donc des tels lieux expérimentaux, où l’on puisse innover dans la production, dans la vente sans intermédiaire, et même dans le montage financier.
Au cours de la première année de vie de la Maison Aribert, avez-vous ressenti une évolution de la sensibilité de vos clients à l’environnement ?
Nous parlions des jardins, ils offrent un véritable parcours initiatique à nos clients. Toute la Maison est vouée à notre engagement pour la défense de la planète, depuis ces jardins jusqu’à la valorisation de nos déchets, en passant par la récupération de l’eau chaude des frigos ou le rafraichissement du bâtiment par les végétaux.
Mais dans la société toute entière, l’évolution est hallucinante : les gens comprennent que tous nos actes ont un impact en matière d’écologie. La crise sanitaire a encore prouvé à quel point il est important d’adopter des comportements d’achat différents, que l’on peut bénéficier localement d’un habitat, d’une alimentation et de produits de première nécessité tous de qualité.
Le « local », pour vous, est-ce juste le Grésivaudan ?
J’ai entre 50 et 60% de clientèle locale, ce sont des habitants de la grande région grenobloise, mais aussi de l’Oisans, de Valence, de Chambéry, de Lyon. Pour moi, c’est ça, le local. Par ailleurs, en tant que chef, je suis transverse : je suis amené à circuler dans toute la grande région et à rencontrer un bon nombre de personnes sur un bon nombre de sujets à propos desquels on m’interpelle.
Depuis plus de deux ans, par exemple, j’accompagne le CHU de Grenoble sur la manière d’adapter l’alimentation des patients à leurs pathologies. Nous travaillons aussi à lutter contre le gaspillage, contre l’utilisation du plastique et pour la réduction des déchets… Nous voudrions que le CHU devienne un site pilote sur ces sujets au plan national, voire international. En m’investissant ainsi dans le tissu local, je veux promouvoir ma région.