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ILS FONT LA GRANDE RÉGION DE GRENOBLE

Christophe Aribert, chef cuisinier

Fils et petits-fils d'agriculteur, de boulanger et de restaurateur en Isère, formé à l’école hôtelière de Grenoble, Christophe Aribert n'a quitté le Vercors de son enfance que pour aller faire ses premières armes aux meilleurs « pianos » parisiens (Le Crillon, la Tour d'Argent). Il est vite revenu à ses chères montagnes mais cette fois du côté de Belledonne. D'abord chef des Terrasses d'Uriage, il a créé son propre établissement, en février 2019. Déjà, celui-ci affiche 2 étoiles au firmament de la gastronomie, grâce à une mise en valeur très « nature » du territoire et de ses produits.

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La crise du coronavirus est intervenue à peine plus d’un an après que vous ayez ouvert la Maison Aribert à Saint-Martin-d’Uriage. Ce coup rude a-t-il remis en cause votre projet ?

Effectivement, cette crise a été un coup dur pour nous, comme pour toute l’économie locale. Elle n’a cependant pas remis en cause notre philosophie, bien au contraire. Cette philosophie, que je porte au quotidien, c’est l’importance de pouvoir bénéficier, en circuits courts, des produits de première nécessité de qualité. Je suis issu de la terre, j’ai grandi dans la forêt et dans les champs. Je suis donc très attaché à mon territoire. Il a des produits magnifiques qui rendent ma cuisine encore meilleure.

C’est pourquoi je ne travaille qu’avec des producteurs locaux : maraîchers, viticulteurs, pisciculteurs, éleveurs… mais aussi, par exemple, avec notre voisin menuisier quand nous avons rénové le bâtiment qu’est à présent la Maison Aribert. Nos salariés, sont eux aussi, pour la plupart, des « locaux ».

Vous avez vous-même plusieurs jardins dans votre établissement. S’agit-il pour vous de promouvoir une vie en autarcie ?

Il s’agit d’autonomie plutôt que d’autarcie. J’ai plusieurs jardins, d’abord pour la fraicheur que cela permet : rien de mieux, dans l’assiette, qu’une feuille de basilic tout juste cueillie. Mais aussi pour l’extraordinaire source d’inspiration et de créativité qu’ils nous apportent. Cela nous permet aussi d’expérimenter la permaculture en laquelle nous croyons fortement.

Je pense qu’il est important d’avoir des lieux pilotes. Je suis ainsi partie prenante d’un projet de ferme qui rassemblerait éleveur, maraîcher, et apiculteur. Nous cherchons actuellement le lieu, qui sera quelque part dans le Trièves, le Vercors, Belledonne ou l’Oisans. C’est un projet participatif, orienté vers la transition agricole et l’agro-foresterie, et ayant vocation à démontrer et expliquer que l’on peut faire différemment… y compris permettre qu’un agriculteur ne soit pas obligé de travailler comme un forçat. Ce métier n’est pas assez valorisé, alors qu’il est aussi important que celui de chirurgien. Il faut donc des tels lieux expérimentaux, où l’on puisse innover dans la production, dans la vente sans intermédiaire, et même dans le montage financier.

Au cours de la première année de vie de la Maison Aribert, avez-vous ressenti une évolution de la sensibilité de vos clients à l’environnement ?

Nous parlions des jardins, ils offrent un véritable parcours initiatique à nos clients. Toute la Maison est vouée à notre engagement pour la défense de la planète, depuis ces jardins jusqu’à la valorisation de nos déchets, en passant par la récupération de l’eau chaude des frigos ou le rafraichissement du bâtiment par les végétaux.

Mais dans la société toute entière, l’évolution est hallucinante : les gens comprennent que tous nos actes ont un impact en matière d’écologie. La crise sanitaire a encore prouvé à quel point il est important d’adopter des comportements d’achat différents, que l’on peut bénéficier localement d’un habitat, d’une alimentation et de produits de première nécessité tous de qualité.

Le « local », pour vous, est-ce juste le Grésivaudan ?

J’ai entre 50 et 60% de clientèle locale, ce sont des habitants de la grande région grenobloise, mais aussi de l’Oisans, de Valence, de Chambéry, de Lyon. Pour moi, c’est ça, le local. Par ailleurs, en tant que chef, je suis transverse : je suis amené à circuler dans toute la grande région et à rencontrer un bon nombre de personnes sur un bon nombre de sujets à propos desquels on m’interpelle.

Depuis plus de deux ans, par exemple, j’accompagne le CHU de Grenoble sur la manière d’adapter l’alimentation des patients à leurs pathologies. Nous travaillons aussi à lutter contre le gaspillage, contre l’utilisation du plastique et pour la réduction des déchets… Nous voudrions que le CHU devienne un site pilote sur ces sujets au plan national, voire international. En m’investissant ainsi dans le tissu local, je veux promouvoir ma région.

Pierre Bertrand, président de la SAS Centrales villageoises du Trièves

Pierre Bertrand préside depuis 2018 les Centrales villageoises du Trièves, une société citoyenne de production d'énergie solaire, qu’il a participé à créer en 2013. Une initiative destinée à apporter à ce territoire les retombées économiques d’une production locale, mais surtout à mettre les habitants - et leurs élus - en action pour la transition énergétique.

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Le Trièves a-t-il été précurseur en créant, dès 2013, la société des Centrales villageoises, que vous présidez ?

Effectivement, le Parc du Vercors a proposé dès 2010 au Trièves, comme aux autres intercommunalités de son territoire, de participer à cette initiative lancée par l’association Auvergne-Rhône-Alpes Energie Environnement (alors seulement « Rhône-Alpes ») pour développer la production locale d’énergie renouvelable. Il était le premier parc naturel régional à entrer dans ce processus.

Les élus du Trièves ont vu là un moyen pour le territoire et ses habitants de maîtriser le développement de ces énergies, au lieu de le laisser entièrement aux mains de grandes sociétés : l’une d’elles avait par exemple un projet de ferme solaire de 10 ha à Mens, qui aurait obligé à sacrifier de bonnes terres agricoles.

Le but du projet est ainsi que l’argent produit ici reste ici. Nos actionnaires, qu’ils aient acheté une ou vingt actions à 100 €, n’ont encore rien touché, car nous n’en sommes qu’aux premières années de production. Mais quand nous leur verserons des dividendes, nous avons l’espoir qu’ils les dépensent dans le Trièves. En attendant, les retombées économiques sont essentiellement les travaux que nous confions à des sous-traitants locaux ou les plus proches.

Comment fonctionne le projet, concrètement ?

L’aspect le plus concret est la création d’une société. Selon la charte commune à toutes les Centrales villageoises, ce peut être une Société par actions simplifiée (SAS, notre choix dans le Trièves) ou une Société coopérative à caractère industriel ou commercial (Scic). Le principe est que le projet porte sur un territoire précis et que la gouvernance est citoyenne. Notre SAS compte actuellement 125 actionnaires : en majorité des gens qui habitent le Trièves, mais aussi quelques-uns qui résident ailleurs mais ont ici des attaches. Cinq collectivités locales participent également.

L’objet principal de la société, lui aussi, est très concret : produire localement de l’électricité d’origine renouvelable. Nous avons commencé par installer des panneaux photovoltaïques sur des toitures, dont la production est revendue à EDF. Nous avons déjà équipé dix toitures, produisant 135 000 kW/h/an, soit l’équivalent de la consommation de 50 foyers.

L’enjeu de cette production locale est-il l’autonomie énergétique du territoire ?

Non, le réseau électrique français étant très centralisé, il serait compliqué d’être autonome. Ce n’est d’ailleurs pas l’objectif : comme on ne peut pas stocker l’énergie, il est indispensable de se la partager entre territoires. Les panneaux photovoltaïques du Vercors peuvent par exemple produire  à certains moments plus d’électricité que ses habitants n’en ont besoin, alors qu’il y a, dans l’agglomération de Grenoble, des entreprises très consommatrices.

L’enjeu est plutôt que tout ne dépende par de l’Etat ou de grandes sociétés. Les citoyens participent ainsi, à leur niveau, à la transition énergétique, sans attendre que les choses viennent de l’extérieur.  Avec les panneaux, la transition écologique devient visible : il y a un enjeu pédagogique. Nous avons ainsi l’espoir que les gens s’engagent ensuite dans d’autres actions. Nous les incitons par exemple à utiliser l’autopartage mis en place à Mens ou encore à faire isoler leurs maisons (nous proposons l’incitation financière des Certificats d’économie d’énergie).

Cette mobilisation active des citoyens nous permet d’aiguillonner également les élus locaux : depuis la création de la SAS, certains d’entre eux ont une plus grande ouverture à ces sujets et les services de leurs collectivités y sont aussi plus sensibles. La communauté de communes a d’ailleurs mis en avant l’existence de notre société pour obtenir la labellisation du Trièves en tant que Territoire à énergie positive.

Cette initiative du Trièves a-t-elle servie d’exemple à d’autres territoires ?

D’autres communautés de communes du Vercors se sont engagées dans le même processus dès la proposition du Parc. Il y a actuellement six sociétés Centrales villageoises dans et autour du Vercors, comme celle des Quatre montagnes », à Lans-en-Vercors. Très vite, d’autres secteurs de Rhône-Alpes se sont portés volontaires, suivis par d’autres, ailleurs en France. Nous en sommes à 50 sociétés Centrales villageoises, réparties dans toute la moitié Est de la France. Aussi, depuis deux ans, nous nous sommes structurés en association nationale, afin de mieux poursuivre le développement de ce réseau.

Marie Dorin-Habert, écologue et hôtelière, ancienne championne olympique de biathlon

Parce qu'il est un espace naturel, mais aussi parce qu'il est proche de Grenoble, le Vercors joue un rôle central dans la carrière de Marie Dorin-Habert, biathlète médaillée olympique reconvertie en hôtelière et chargée de mission sports et environnement. Elle pratique et promeut des activités sportives en harmonie avec la nature et des déplacements du quotidien le plus possible à vélo.

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Qu’est-ce qui vous a attiré dans le Vercors, il y a 15 ans ?

A l’origine, je suis venue au lycée sport-études de Villard-de-Lans où je pouvais suivre ma scolarité tout en continuant ma carrière de biathlète. Et je ne suis jamais repartie. C’est un endroit qui présente l’avantage d’offrir un gros bourg où l’on peut tout faire à pied ou à vélo. C’est important car il est indispensable de limiter nos déplacements en voiture. Mais un autre avantage du Vercors est qu’on n’y est qu’à 45 mn de tout ce qu’offre une grande ville comme Grenoble. Cela m’a permis ensuite de poursuivre mes études tout en continuant le ski. J’ai passé un Master Biologie, écologie, évolution à l’Université Grenoble Alpes.

En 2018, après les Jeux olympiques de PyeongChang (1), j’ai mis fin à ma carrière sportive. Puis, avec mon mari, Loïs Habert, et Robin Duvillard (2), nous avons créé un hôtel à Corrençon-en-Vercors, près des départs de randonnées dans la réserve naturelle, de circuits VTT et de ski, d’un site d’escalade… C’est grâce à cet emplacement que nous avons pu monter notre projet d’un hôtel avec une plus-value sportive.

Par ailleurs, j’assume, à mi-temps, une mission sport et environnement pour le Département de l’Isère. Il s’agit pour moi de veiller à ce que les sports de nature soient compatibles avec les autres usages, tels que le pastoralisme, l’agriculture ou encore la chasse. Et qu’ils aient le moins d’impact possible sur l’environnement.

En quoi les sports de nature peuvent-ils avoir un impact sur l’environnement ?

Le problème est que, sur certains secteurs, nous sommes de plus en plus nombreux à pratiquer. Le Vercors étant proche des agglomérations, il attire les urbains qui ont envie de se reconnecter avec le milieu naturel. C’est normal, mais dans certains endroits, la sur-fréquentation entraine une érosion des sols et réduit les périodes de tranquillité nécessaires au cycle de vie de la faune sauvage. On constate des échecs de reproduction. En escalade, par exemple, il faut veiller à ne pas s’approcher des nids d’aigles royaux. Quant à la course à pied, le problème n’est pas le passage d’une personne, mais la multiplication des trails, partout et à tout heure.

Le sport est une très belle porte d’entrée vers la découverte de la nature et la nécessité de la protéger. Il suffit de l’expliquer. L’écologie ne doit pas être sectorisée : elle doit être dans l’organisation d’un développement harmonieux des activités sportives comme dans la gestion des routes.

C’est important, car à l’avenir, la moyenne montagne va être de plus en plus prisée : avec le réchauffement climatique, les urbains vont rechercher la fraicheur à proximité de la ville. Et avec la prise de conscience écologique, j’espère que les déplacements lointains en avion, coûteux et polluants, vont se réduire au profit du tourisme de proximité.

Comment éviter, selon vous, que ces déplacements de proximité ne soient, eux aussi, polluants ?

Je suis une inconditionnelle des déplacements à vélo. Cela évite de polluer, cela maintient en forme… Bref, cela ne présente que des avantages. Grâce à son plateau, le Vercors permet d’accéder à une multitudes d’activités, quel que soit son niveau ou sa condition physique, sans vraiment prendre sa voiture. A l’hôtel, nous facilitons l’achat de vélos électriques par nos employés et je vais moi-même régulièrement à Grenoble par ce moyen.

Cette ville est assez bien organisée pour le vélo, mais il faudrait encore développer cette pratique pour les déplacements. Si des maires ont la volonté de le faire, il faut qu’ils dissocient les pistes de loisirs et celles permettant de rouler rapidement. Si je me balade avec ma fille, les premières conviennent très bien. Mais lorsque je me rends au travail à Grenoble, je ne veux pas prendre une piste qui me fera faire des détours, sera revêtue de gravier et parfois aménagée en contre-allées, donc dangereuse pour moi. Si l’on veut faire ce mode doux un axe principal des politiques de mobilité, il faut créer des kilomètres de voies cyclables parallèles aux routes. Ce n’est que comme ça que l’on en fera un moyen de déplacement du quotidien.

  1. Elle y décroche l’or, après deux autres médailles olympiques, quatre titres de championne du monde en individuel et 11 en relais.
  2. Ils sont respectivement biathlète et fondeur.

Anne Farrer, directrice du Festival international du film de montagne d'Autrans

Professionnelle du cinéma, Anne Farrer dirige le festival international du film de montagne d'Autrans (FIFMA) depuis sept ans. Cette manifestation culturelle reconnue par les professionnels en France et au-delà est aussi un vecteur de lien social et d'une vie économique durable pour le territoire, assure-t-elle.

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Vous dirigez le Festival d’Autrans, mais y habitez-vous ?

Oui et c’était même un critère de mon recrutement à ce poste, il y a sept ans. Je me suis installée pour l’occasion à Autrans, mes enfants y vont à l’école. C’est important pour mon travail, parce que ce festival joue un rôle très fort de lien social. Je passe du temps avec les 170 bénévoles, les écoles, les associations… On est dans une énergie collective de territoire. Même si le FIFMA comporte un volet professionnel très reconnu, un réalisateur étranger peut se retrouver à table à côté du fromager local. C’est ce brassage des populations et cette identité particulière qui le font apprécier. En tant que présidente du réseau Festivals Connexion, qui en réunit 57 de tout Auvergne-Rhône-Alpes, je vois bien que, contrairement à d’autres, celui-ci attire par sa thématique mais conquiert par son identité. Quant aux Rencontres du cinéma de montagne de Grenoble, différentes du Festival, elles attirent pour leur ambiance de grand événement autour de ce thème de la montagne, intimement lié à toute la région grenobloise.

Qui sont ces visiteurs attirés par cette « énergie collective » du festival d’Autrans ?

Nos visiteurs (14 000 en 2019) viennent à 60% de la grande région grenobloise et du reste d’Auvergne-Rhône-Alpes. Les 40% restant viennent d’autres régions françaises et de pays voisins (Belgique, Suisse, Italie). Beaucoup sont très fidèles depuis 10 ou 15 ans. Ils ont un « pass » pour le festival, mais c’est pour eux l’occasion de profiter du territoire : ils prennent un hébergement, font des balades, du ski de fond… Nous incitons d’ailleurs à cela en proposant des activités. C’est particulièrement frappant avec nos invités, des professionnels venant de Paris, Strasbourg, etc : nous leur faisons goûter un restaurant, un petit verre de Chartreuse, faire un tour de VTT… et beaucoup rappellent un ou cinq ans après pour réserver un gîte.

Est-ce que cela signifie qu’il ne s’agit pas de rayonnement culturel ?

Le festival est très reconnu par les professionnels, tant du cinéma que de la montagne. Mais dans le public, notre territoire n’est pas assez vu comme un lieu de culture. On vient plutôt dans le Vercors pour le volet patrimonial (la Résistance) ou, encore plus, pour le sport. Or la culture est aussi un vecteur de vie économique, de vie sociale et de développement du territoire. Au moment où les événements liés à la neige sont fragilisés par le réchauffement climatique, il faut développer ceux qui n’y sont pas dépendants. Le FIFMA voit, lui, sa fréquentation augmenter régulièrement.

Vous avez ajouté un trail aux animations du festival. Est-il incontournable, pour attirer en montagne, de « mettre un peu de sport » ?

Ce n’est pas incontournable, non. Mais je pense qu’il était dommage que les sportifs ne s’intéressent pas aux « cultureux » et inversement. Ce sont des mondes qui se mélangent peu. Au début, seuls un ou deux traileurs profitaient de la place offerte pour les séances de cinéma, mais à présent, ils sont nombreux à venir et même à prendre une nuitée. Inversement, des réalisateurs ou encore Charlie Buffet, le directeur des Editions Guérin, participent au trail, à leur mesure. C’est important de décloisonner les visions du territoire et les cultures. Cela nous permet aussi de conquérir des gens du coin qui ne sont jamais venus au festival, qui pouvait être vu, auparavant, comme un peu élitiste.

Les visiteurs venant de Grenoble ou bien au-delà viennent-ils tous en voiture ? Une mobilité plus durable est-elle possible ?

Ces trois dernières années, nous avons essayé de proposer des navettes, en partenariat avec le Département. Mais cela a été un échec complet, avec 3 à 8 passagers seulement. J’ai été extrêmement déçue, mais il faut croire que les gens ne sont pas prêts à abandonner leur voiture. Nous essayons de promouvoir aussi le réseau d’auto-stop et la plateforme de co-voiturage du parc du Vercors, mais c’est également difficile. C’est d’ailleurs vrai autant pour les personnes qui viennent à Autrans que lorsque nous, habitants du plateau, « descendons » dans l’agglomération de Grenoble (hors ceux qui vont y travailler chaque jour, souvent en bus).

Il reste beaucoup de travail à faire pour développer les mobilités douces. C’est une question de sensibilisation, même au plan national, mais sans doute aussi les outils que l’on propose ne sont-ils pas assez faciles d’utilisation, pas pertinents… Peut-être la crise sanitaire que nous venons de vivre va-t-elle nous faire réfléchir collectivement à la nécessité de protéger notre environnement.

Laurent Garnier, gérant de Visites nature Vercors et vice-président de l'Office du tourisme Saint-Marcellin Vercors Isère

Dirigeant de trois attractions touristiques réparties aux confins Sud de la grande région de Grenoble, Laurent Garnier joue la qualité contre le tourisme de masse, l'ouverture à l'année contre la saisonnalité, les partenariats et la complémentarité contre la concurrence. Pour lui, ces synergies sont la clé d'un tourisme producteur de richesses pour le territoire.

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Contrairement à ce qui se passe dans la plupart des grottes, vous ouvrez celle de Choranche toute l’année (hors du confinement de ce printemps, bien sûr): est-ce pour viser une articulation, l’hiver, avec les stations du Vercors ?

Si nous ouvrons toute l’année, c’est pour la professionnalisation de notre activité. Si l’on emploie exclusivement des saisonniers, cela ne peut pas être très qualitatif, parce qu’il faut recruter à nouveau chaque année. Ainsi, même si l’hiver nous faisons moins d’entrées, celles-ci couvrent les salaires et les charges, et nous permettent de préserver l’emploi de nos permanents. Ceux-ci vivent dans les alentours. Nous en avons 7 pour la grotte de Choranche, auxquels s’ajoutent sept autres pour assurer l’administration, la communication et le commercial pour toute la société, et l’entretien de nos trois autres sites, qui, eux, sont estivaux (*). Cela nous permet d’avoir le label Qualité tourisme et celui de « jardin remarquable », et d’être présents et écoutés au sein de réseaux tels que le groupement national des grottes ou le syndicat national des parcs et loisirs.

Les stations du Vercors Nord sont effectivement des points très attractifs dont nous pourrions bénéficier. Mais l’envie du public d’aller visiter une grotte reste instinctivement associée à l’été… Nous rappelons dans les offices du tourisme, sur les réseaux sociaux, etc, que dans celle de Choranche, la température est constamment de 10°, mais nous faisons 30 fois moins d’entrées en janvier qu’en août.

Comment éviter la concurrence des territoires en matière d’attractivité touristique ?

Ils ne doivent pas s’opposer : Chartreuse et Vercors, par exemple, peuvent s’envoyer les clients selon les goûts et envies de ceux-ci. A l’échelle de la grande région de Grenoble, la montagne, la campagne et la ville sont complémentaires.

Il faut par ailleurs s’intéresser à la clientèle des excursionnistes plus qu’à celle des touristes : ces 20 dernières années, c’est ce public qui a fortement augmenté, ces individuels qui partent pour de courts séjours, souvent et avec l’envie de zapper d’une activité à une autre. Chaque site peut ainsi participer à un développement commun : le tourisme attire le tourisme. Un Lyonnais, par exemple, ne viendra pas sur notre territoire uniquement pour la grotte de Choranche, mais parce qu’il sait qu’il y trouvera d’autres activités connexes. C’est l’ensemble qui fait l’attractivité. Mais cela implique d’ouvrir toute l’année, en acceptant que des moments soient rentables et d’autres moins.

Les partenariats ne doivent-ils se nouer qu’entre acteurs du tourisme ?

Non, des partenariats plus larges sont très importants. Dans nos territoires où tout ne tourne pas autour du tourisme, celui-ci peut être vécu comme gênant, par exemple par des agriculteurs. Mais si tout le monde participe à son développement et que les richesses qu’il crée sont redistribuées, il est plus facile de diffuser cette culture. Je représente par exemple les acteurs touristiques auprès de l’Association des industriels du Sud-Grésivaudan, pour montrer que le tourisme n’est pas séparé de son tissu. Ainsi, lorsque je fais refaire les sanitaires de la grotte pour un budget de 190 000 euros, cela fait travailler des artisans. Les industriels nous envoient des clients, nous soutenons le défi des entreprises organisé par le club Aviron Isère…

Pour aller plus loin, il faut accompagner la création de gîtes ou de chambres d’hôtes par des investissements publics : vélo-route, traçage d’itinéraires remarquables, aménagement d’aires de camping-cars, etc. On peut imaginer un retour sur investissement rapide si, hors des périodes touristiques, ces lieux hébergent des visiteurs des entreprises locales ou des personnes venant en formation dans nos communes.

Quels sont vos attentes à l’égard des élus ?

Nous échangeons sur ces sujets avec la Communauté de communes, pour l’élaboration du schéma de développement touristique. Les élus ont bien conscience que le tourisme est une richesse économique, mais cela n’est pas totalement ancré dans les mœurs. Au sien de la collectivité, il y a par exemple un service de développement économique et une autre, distinct, pour le développement touristique. Il est naturel que certains maires préfèrent attirer des industriels sur leur territoire. Le but n’est pas de faire venir des touristes de partout, mais de mettre en cohérence le développement de ce secteur à l’échelle intercommunale. Comme l’excursionnisme doit encore s’accroitre, avoir une offre organisée sera un atout.

Est-ce compatible avec la protection de l’environnement ?

Il est vrai qu’à l’heure où 80% de la population habite en ville, les urbains n’ont plus les codes de la campagne et de la montagne. Ils voient le Vercors comme un terrain de jeu, alors que c’est un lieu de vie. Ce décalage s’accentue avec l’utilisation croissante des réseaux sociaux : qu’un internaute diffuse la photo d’un ruisseau qu’il a aimé et le ruisseau reçoit un afflux de visiteurs.

Mais ces personnes extérieures nous font parfois prendre conscience du caractère exceptionnel de ce que nous avons près de chez nous. Il est normal qu’elles aient envie de venir. Pour que cela soit compatible avec le développement durable, il faut les éduquer à la nécessité de protéger la nature et organiser les choses.

(*) Le jardin de la fontaine pétrifiante, le bateau à roue et la grotte de Thaïs.

Anne-Sophie Louvat, directrice Urby Grenoble

Anne-Sophie Louvat est directrice d'Urby Grenoble, une société créée par le groupe La Poste avec plusieurs partenaires locaux et nationaux. Son but : optimiser la distribution des marchandises en ville, et diminuer son impact sur le trafic et sur la pollution. Une démarche dans laquelle les collectivités ont un rôle à jouer.

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Grenoble est la première métropole de France où a été créé, en 2016, une société du réseau Urby, filiale du groupe la Poste spécialisée dans la logistique urbaine. Depuis, le modèle a essaimé dans une quinzaine d’autres métropoles en France. Quel éco-système particulier a permis cela à Grenoble ?

En 2015, j’étais chargée de mission logistique urbaine au sein de La Poste, pour Grenoble et les pays de Savoie. Le groupe se positionnait déjà, comme d’autres acteurs, sur cette activité qui devient un enjeu central : elle vise à optimiser la livraison des marchandises en ville, sur le plan économique, mais aussi pour limiter la congestion du trafic et la pollution de l’air.

Il y a eu, à Grenoble, une convergence de volontés sur ce sujet, qui perdure toujours. D’abord celles de nos partenaires – devenus en 2018 nos actionnaires – : certains sont nationaux, comme La Poste, la Caisse des Dépôts, GNVert et le groupement les Mousquetaires, mais d’autres sont locaux, comme Vélocité Services (société de courses à vélo), le transporteur Cetup, GNV Alpes (gestionnaire de stations gaz créé par GNVert et GEG) et la délégation Dauphiné-Savoie de la Fédération nationale des transporteurs routiers. Aujourd’hui encore, cela reste le partenariat le plus diversifié du réseau Urby en France et celui qui implique le plus d’acteurs locaux.

Les collectivités locales ont-elles un rôle ?

Il s’agit d’une société privée parce que c’est le plus simple pour lancer une activité économique. Mais le déclencheur de sa création a été l’Appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé fin 2015 par Grenoble Alpes Métropole et le SMTC, auquel nous avons répondu. Cet AMI portait sur la création et l’exploitation d’un Centre de distribution urbaine (CDU) permettant de réceptionner des marchandises et de les livrer ensuite en cœur de ville avec des véhicules « propres ».

Il n’était pas question pour la collectivité d’apporter une subvention, mais de soutenir le projet. La Métropole de Grenoble a ainsi été l’une des premières à instaurer une Zone à faibles émissions (ZFE), c’est-à-dire une réglementation restreignant l’accès à la ville aux véhicules de livraison les moins polluants. Le CDU constitue une solution pour les professionnels qui n’ont pas les moyens d’acheter de nouveaux véhicules mais qui doivent tout de même pouvoir livrer leurs clients. Nous le faisons ainsi pour eux, via un livreur à vélo salarié et des sous-traitants locaux à qui nous apportons ainsi de l’activité. Ceux-ci utilisent des véhicules qui entrent dans les critères de la ZFE : des vélos-cargos avec ou sans remorque et des véhicules utilitaires ou poids lourds à la norme Euro 6 (Ndlr : la moins polluante pour les véhicules diesel). Deux d’entre eux sont en train d’en acquérir de nouveaux au GNV et nous testons un prototype électrique depuis cet été 2020.

Concrètement, est-ce que cela réduit le trafic de camions dans la région grenobloise ?

C’est difficile à évaluer, car nos clients ne suivaient pas nécessairement ces données auparavant. Mais Urby est en train de tester, au plan national, un outil qui devrait permettre de faire cette évaluation. Parmi ces clients qui nous remettent des colis, il y a des sociétés de messagerie, mais aussi des entreprises et des artisans et producteurs locaux de l’agglomération ou plus largement isérois : un brasseur basé à Saint-Geoirs nous confie par exemple une partie de son stock à livrer aux magasins et restaurants de l’agglomération.

Quelle est l’articulation de ce CDU avec l’activité des grandes zones logistiques de la grande région ?

Lorsque des marchandises nous arrivent, nous les dispatchons et il arrive que toutes ne soient pas à livrer en zone urbaine, mais sur une zone logistique, par exemple celle de Voiron. L’intérêt est que notre CDU se trouve à Fontaine, à l’entrée de l’agglomération de Grenoble.

Nous avons déjà dû l’agrandir jusqu’à 2200 m2. Mais nous commençons plutôt à mettre en place des Espaces de logistique urbaine (ELU), plus petits, au cœur de la ville, afin de limiter les approches des véhicules lors de leurs tournées. Notre difficulté est de trouver du foncier, car l’implantation logistique en zone urbaine doit cohabiter avec les autres activités. Mais des espaces pour une distribution de proximité doivent être identifiés et préservés, car le transport et la logistique sont nécessaires pour approvisionner les villes et pérenniser l’activité économique.

Nous avons créé un premier ELU au Marché d’intérêt national (MIN) de Grenoble : après un test pour les livraisons aux exposants du marché de Noël de fin 2019, nous lançons à présent la mutualisation des livraisons des grossistes, en partenariat avec le MIN. Mais pour que cela se développe, il va falloir encore beaucoup de pédagogie et une sensibilisation large, par exemple pour qu’un restaurateur passe le même jour ses commandes de fromage, viande, légumes, etc, pour que ceux-ci lui soient livrés au même moment par un seul véhicule.

Les collectivités, qui ont une réelle volonté d’agir contre la pollution et pour la qualité de vie, peuvent faciliter cette logistique urbaine vertueuse via la réglementation (la ZFE), mais aussi par la communication et par l’évolution de leurs propres pratiques. Elles commencent par exemple à inclure cette demande de respect de la ZFE dans leurs marchés d’achats : c’est ainsi que nous livrons par exemple à vélo des fournitures d’hygiène à des restaurants scolaires de toute l’agglomération de Grenoble.

Magali Paris, maître de conférences à l'école nationale supérieure d'architecture de Grenoble

Ingénieure paysagiste de formation et docteur en urbanisme, Magali Paris est chargée de recherche au Centre de recherche sur l'espace sonore et l'environnement urbain (Cresson) de l'école nationale supérieure d'architecture de Grenoble, l’équipe grenobloise du laboratoire Architecture Ambiance Urbanité UMR CNRS 1563. Ses travaux lui permettent de démontrer l'intérêt vital d'une Trame verte et bleue pour des villes plus résilientes face aux changements socio-environnementaux.

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Sur quels sujets travaillez-vous et avec quelles applications dans la grande région de Grenoble ?

Ingénieur paysagiste de formation, j’ai intégré le Cresson pour conduire une thèse de doctorat sur les jardins et l’habitat. Plusieurs cas d’études grenoblois m’ont permis de décrire comment les jardins situés en prolongement du logement permettent de vivre ensemble en milieu urbain dense de manière confortable et apaisée. Quelques années plus tard, j’ai conduit des recherches pluridisciplinaires sur l’écologie et les ambiances des espaces végétalisés situés à proximité de la rocade sud, notamment à Saint-Martin-d’Hères et Echirolles. Il y a là des jardins familiaux et publics, et des friches qui accueillent une biodiversité 3 à 5 fois supérieure à celle des espaces végétalisés de cœur de ville. Ces différents espaces de nature composent également des fragments de la trame verte urbaine. Ils constituent un réseau de circulation pour le vivant : végétal, animal et humain. A Saint-Martin-d’Hères, mes travaux ont nourri des projets associant la gestion urbaine et sociale de proximité, et le service développement durable avec la création de la ZAC Daudet et de ses jardins familiaux, et des jardins du Couvent des Minimes. Dans le Nord-est parisien, ils ont servi l’élaboration de trois projets de Trame verte et bleue.

Quelle est l’utilité d’une Trame verte et bleue ?

La Trame verte et bleue a pour objectif d’enrayer la perte de biodiversité. Le plus important est déjà de considérer qu’il s’agit d’un document technique, qui doit être élaboré par des écologues, des faunisticiens, des botanistes, des bio-géographes…. Car si l’on ne fait que tracer des lignes et des tâches sur une carte sans que celles-ci correspondent à une réalité écologique, cela ne sert à rien et même peut être contreproductif.

La finalité de la trame verte et bleue urbaine est de permettre la circulation et la survie du vivant en ville. Et le vivant, ce sont les animaux, les végétaux mais aussi et surtout les humains : lorsqu’on crée des cheminements piétons et des pistes cyclables, lorsqu’on urbanise en évitant les îlots fermés qui obligent à faire des détours… on permet aux humains comme aux animaux de circuler.

Pour atteindre cet objectif d’optimisation de la biodiversité, la manière dont le territoire est composé compte, mais aussi celle dont il est entretenu. Depuis plusieurs années, les espaces végétalisés de Grenoble Alpes Métropole font l’objet d’une gestion différenciée : au Parc Paul-Mistral de Grenoble, par exemple, certains endroits sont laissés dans un état plus sauvage tandis que d’autres sont davantage entretenus. De cette manière, on organise les espaces, certains faisant l’objet d’usages plus intenses, tandis que dans d’autres, la nature pourra s’installer, et promeneurs et animaux pourront cohabiter.

Pour permettre cette cohabitation et composer une trame verte et bleue écologiquement viable, il faut de tels grands espaces d’au moins un hectare. Si la ville n’est composée que de petits jardins, ceux-ci vont être trop fréquentés, piétinés… les animaux vont fuir. Par ailleurs il n’est pas possible d’installer des compositions végétales riches dans des espaces de dimension réduite. Alors que dans un grand parc, on peut subdiviser les espaces, diversifier les usages et les possibles cohabitations entre homme et nature. Il faut que les collectivités arrivent à maîtriser le foncier pour geler de grandes superficies. Transformées en espaces végétalisés publics, celles-ci peuvent composer la ville résiliente de demain.

En quoi est-ce que cela permet à la ville d’être plus résiliente ?

La nature rend des services dits éco-systémiques. Parmi ceux-ci,, il y a celui de régulation, sur plusieurs plans. D’abord en terme de micro-climat : face aux îlots de chaleur créés par les surfaces minéralisés, les espaces végétalisés constituent des puits de fraîcheur qui permettent ainsi à la ville de s’adapter au réchauffement climatique. Ils permettent aussi de ne pas surcharger les réseaux d’égouts en absorbant une partie des pluies. Enfin, le végétal joue un rôle mécanique de fixation des polluants, que, sinon, nous inhalerions.

Je participe d’ailleurs au projet interdisciplinaire de recherche « Life » financé par l’Idex de l’Université Grenoble Alpes, qui associe l’Ecole d’architecture et le Centre Hospitalier Universitaire. Ce projet s’attache à la question multi-critères de la santé en milieu urbain : santé physique, paramètres environnementaux mesurables et modélisables, mais aussi critères plus subjectifs… La santé psychique est meilleure, par exemple, si l’on dispose d’une cour jardinée, parce que la perception que l’on a de son cadre de vie se trouve améliorée. L’accès aux espaces végétalisés est un enjeu majeur en terme de santé. La question de l’accès à une alimentation saine entre aussi en compte.

Depuis le baron Haussmann et ses visées hygiénistes, puis la « modernité », la question de la santé en urbanisme s’est moins posée dans la seconde moitié du XXe siècle. Mais depuis quelques années, elle revient en force avec celles du bien-être et du vivre-ensemble. La Trame verte et bleue vise aussi à répondre à ces enjeux de qualité de vie.

Quels sont, selon vous, les atouts et les faiblesses de la GReG face à ces enjeux de résilience ?

Un grand atout sur lequel s’appuie la Trame verte et bleue, ce sont les Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (les « Znieff ») de niveau 1 et 2, en l’occurrence les grands massifs montagneux qui nous entourent. Il est indéniable qu’il faut les préserver et ne pas les fragmenter.

Leurs lisières avec l’agglomération grenobloise sont aussi des atouts, sur lesquels le politique doit avoir un regard vigilant et urbaniser de manière intelligente. Une autre chance, encore, sont les deux grandes rivières que sont l’Isère et le Drac, dont les berges doivent rester des espaces de circulation pour humains et animaux.

Au chapitre des faiblesses, je regrette que certaines communes ne mesurent pas leur devoir d’agir pour rendre la ville moins « rugueuse », en végétalisant la voirie, en désimperméabilisant, en permettant une cohabitation dans les différents modes doux actifs de déplacement… On sait, pourtant faire autrement, créer une nouvelle esthétique paysagère des villes : certains tronçons du réaménagement du cours Jean Jaurès/ Libération autour de la dernière ligne de tramway ou encore l’aménagement du parc Flaubert sur l’ancienne voie ferrée, à Grenoble, sont de bons exemples d’une ville plus souple, plus inclusive aussi : d’une ville-nature pour tous les habitants.

Jean Souchal, PDG du groupe POMA

Jean Souchal dirige le groupe POMA, une entreprise emblématique de la grande région de Grenoble. Ce spécialiste du transport par câble reconnu internationalement trouve dans ce territoire un éco-système favorable à sa politique d'innovation pour une mobilité écologique. Pour faire perdurer ce partenariat, l'industriel joue le jeu de la réciprocité.

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Le premier investissement du Syndicat mixte des mobilités de l’agglomération grenobloise (SMMAG) va être une liaison par câble entre Fontaine et Saint-Martin-le-Vinoux, pour laquelle POMA a été retenu. En quoi ce projet est-il porteur pour l’avenir, selon vous ?

La notion de « nouvelles mobilités » prend tout son sens dans ce projet qui fait le lien entre les trois lignes structurantes de tram de l’agglomération, et qui «enjambera » l’Isère et le Drac, les autoroutes et la voie de chemin de fer. C’est la quintessence de cette troisième dimension qu’est le transport par voie aérienne. Un transport écologique et responsable, parce qu’il est en site propre et parce qu’il ne nécessite que peu d’infrastructures pour franchir tout cela.

C’est assez symbolique de faire ça à Grenoble, ville pionnière de la mobilité écologique. On a là une démonstration de cette intelligence collective. A POMA, nous sommes très sensibles à tout ce qui relève de la construction du monde de demain.

Êtes-vous toujours resté implanté dans l’agglomération de Grenoble et sa grande région précisément parce que vous y trouviez un éco-système favorable ?

Effectivement, Grenoble et son agglomération ont toujours été une terre d’innovation : il y a le CEA et tous les laboratoires et structures installés à ses côtés, l’Université… L’esprit d’innovation qui règne ici n’est pas neutre du tout, pour nous. De même en est-il pour le côté international de celle ville : dans les rues, la moitié des passants parlent une langue étrangère ! Pour nous qui faisons 80% de notre chiffre d’affaires à l’export, c’est une vraie richesse culturelle.

Nous sommes également présents plus largement dans le département et la région, où se trouvent deux-tiers de nos fabrications. Mais nous profitons aussi de la présence de territoires d’industrie, comme dans le Grésivaudan. Nous sous-traitons beaucoup, presqu’autant que ce que nous produisons en interne.

Cet éco-système et les liens que vous avez avec lui ont-ils été affectés après la crise de 2008 ?

Cette attache de proximité au territoire est une valeur importante. Nous avons toujours veillé à ce qu’elle reste ancrée en nous. En 2017, par exemple, lorsqu’il nous a fallu acheter les ponts roulants nécessaires au site que nous construisions à Gilly-sur-Isère, nous avons choisi de les acquérir auprès d’une entreprise de Tullins. Ils étaient plus chers que d’autres offres que nous avions, mais nous avons estimé qu’il était de notre devoir de « renvoyer l’ascenseur » aux acteurs du territoire. Quant à l’esprit d’innovation grenoblois, il est resté présent, malgré cette crise de 2008, et encore maintenant.

Quant à la montagne, quelle place occupe-t-elle dans votre politique d’innovation ?

C’est un environnement qui nous pousse toujours à innover pour la mobilité verticale : actuellement, les projets d’ascenseurs valléens, par exemple, se développent, ces cabines qui permettent de récupérer des gens en fond de vallée et de les monter en stations, de manière à limiter le nombre de voitures, de camions et de cars.

Nous sommes très attachés à la montagne, parce que nous y sommes tous nés ou presque, y compris les nouvelles générations. La montagne représente aussi nos origines, la base de ce qu’a fondé Jean Pomagalski, il y a 85 ans, autour des loisirs, du ski… La France a fait du développement de la montagne un facteur de croissance. Elle a lancé un plan neige dans les années 1950-1960, elle a été le seul pays à accueillir trois fois les Jeux olympiques d’Hiver : les premiers à Chamonix en 1924, puis ceux de Grenoble en 1968 et ceux d’Albertville en 1992. Nombre d’acteurs sont issus de tout cela, comme Rossignol, l’Ecole de ski français… et nous : POMA est au cœur de tout cela.

C’est l’une des raisons pour lesquelles nous sommes visibles au plan international : POMA, au cœur des Alpes, cela parle partout dans le monde. La montagne et nous, sommes liés, d’autant que nos collaborateurs, eux aussi, sont très attachés à ce territoire.