Gestion des petits services d’eau communaux : quand l’union fait la force

By 2 mars 2015février 28th, 2019Dossiers

« Un clocher, un captage » : historiquement, les services d’eau potable se sont démultipliés à l’aune de cet adage. Plus de 12.800 collectivités les organisent, majoritairement à l’échelle communale. Mais ce modèle de gestion à petite échelle se fragilise. Entre le renouvellement des réseaux, la sécurisation de l’alimentation en eau potable et le respect des exigences de qualité de l’eau distribuée, le manque de moyens humains et financiers se fait sentir. Seule option possible, le regroupement intercommunal devrait s’imposer à moyen terme à nombre de petits services d’eau communaux.

Gestion patrimoniale, sécurisation de l’alimentation: les enjeux à relever par les collectivités compétentes en eau potable se complexifient. Or, depuis 2011, l’organisation communale doit en même temps faire face au désengagement de l’État dans l’ingénierie publique. Assistance technique et conseil jusqu’à cette date fournis par les services départementaux étaient particulièrement précieux pour les petites collectivités.

Certains territoires se sont donc organisés pour prendre le relais. Dans l’Orne, le syndicat départemental de l’eau créé pour pérenniser la ressource en eau potable fournit ainsi un appui technique à ses collectivités membres. Dans la Manche, la structure du même nom créée il y a deux ans a accompagné une trentaine de dossiers pour des petites communes, principalement sur de l’assistance à programmation de travaux (réseaux, traitement, réservoirs) et de l’assistance technique. En Haute-Saône, c’est l’agence technique départementale Ingénierie 70 qui s’est mise au diapason de ces besoins en eau potable, marqués d’un déficit en bureaux d’étude pour la petite maîtrise d’œuvre, soit justement ce dont ont besoin ces petites collectivités.

Le regroupement intercommunal, une planche de salut ?

Parce qu’elles manquent de moyens humains et financiers, l’enjeu de la mutualisation devient pressant. Selon une étude de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse, les trois quarts des 400 communes de l’échantillon de ce bassin n’amortissent pas ou mal leur patrimoine assainissement. Est-ce mieux sur l’eau potable ? Le même problème structurel, lié à une trop faible assise financière, semble se poser. D’où des difficultés à respecter les obligations du décret du 27 janvier 2012, qui fixe un rendement minimum aux réseaux d’eau potable (de l’ordre de 65% pour les plus petites) et des exigences de diagnostic du patrimoine.

Ces collectivités qui connaissent mal leur réseau, petites communes ou petits syndicats ruraux exerçant la compétence eau potable en régie, le bassin Artois Picardie les soutient aussi. Les schémas directeurs eau potable, qui planifient les investissements nécessaires sur dix ou quinze ans et leur impact sur le prix de l’eau, incitant la collectivité à se projeter, sont aidés par ces agences de l’eau.

En Haute-Saône, le conseil général propose même une bonification de ses aides de 15% si le schéma est réalisé à une échelle minimale de 1.000 habitants. « L’objectif est de pousser les petites communes à réfléchir à l’échelle d’un bassin de vie. Si le regroupement est pertinent, on peut alors envisager des interconnexions cohérentes pour sécuriser l’alimentation de l’eau potable », souligne Pascal Valentini, directeur d’Ingénierie 70, à l’initiative de deux premiers schémas directeurs regroupant chacun dix à douze communes.

Raisons et recommandations

De son côté, l’agence technique départementale de l’eau de la Mayenne (ATD’Eau 53) soutient directement la réalisation d’études de faisabilité de regroupement intercommunal. « L’avenir n’est pas au maintien de petits services communaux. Pour assurer le renouvellement de leurs réseaux qui atteignent déjà les quarante ans, soit les petites communes devront augmenter drastiquement le prix de l’eau, soit elles devront mutualiser. C’est presque une nécessité aujourd’hui et la solidarité urbain-rural est vraiment la carte à jouer pour avancer », juge Fabienne Guiguen, sa directrice.

Dans la Manche, Jean-François Balland, de sa casquette de directeur du syndicat d’Eau Baie Bocage (37 communes), observe régulièrement l’adhésion d’une nouvelle commune périphérique (cinq adhésions en sept ans). « Globalement, les deux motifs essentiels qui motivent le regroupement sont la gestion patrimoniale et la gestion du personnel. Parfois, le facteur déclenchant est le départ à la retraite du fontainier ou de l’élu qui s’était investi volontairement à ses côtés pour faire tourner le service », souligne le responsable.

Enfin, comme l’analyse Régis Taisne, à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), « il y a aujourd’hui un fort enjeu à faire grandir les services par transfert de compétence des communes encore isolées vers des EPCI ou des syndicats mixtes existants. Cependant, le choix du groupement d’accueil doit être fait au cas par cas en fonction du contexte local. Car il faut être vigilant à ne pas déstructurer une organisation efficace en place et générer des surcoûts faute de prendre en compte les contraintes patrimoniales, topographiques, hydrographiques ».